A quoi peut bien servir la Lune ?

Les plus observateurs l’auront remarqué : depuis deux jours, la Lune a disparu. Dans l’indifférence quasi-générale. Et dans l’espace. Autrement, on la verrait. Mais heureusement, nous apprennent les éphémérides, elle réapparaîtra progressivement jusqu'au 25 avril pour éclairer vivement notre nuit de la Saint-Marc, jour de la grande lessive et de l'anniversaire de la Révolution portugaise.

Comme le rappelait volontiers Vialatte, la Lune remonte à la plus haute Antiquité. Elle est parfois immense ; d’autres fois plus discrète ; en ce moment, elle se cache et va ce soir laisser apparaître un très léger début de commencement de croissant ; un oeil furtif derrière son rideau pour observer la Terre. Elle est tantôt rousse ou nacrée ; on peut même la prendre pour le Soleil les matins de brouillard. Elle éclaire sans distinction de frontières. Elle peut servir de repère commun aux armées qui s’affrontent comme aux navigateurs. Par contre, elle ne se mange pas, à ce qu'on raconte.

Contrairement au Soleil qui n’éclaire que le jour, la Lune éclaire la nuit, ce qui lui confère une utilité bien plus importante. Grâce à elle, on retrouve facilement ses clés de voiture à la sortie des bars. Puis elle aide le sergent de ville à tendre son ethylotest. Elle reste en revanche à la porte du commissariat, éclairé par un néon blafard.

Que serait-on sans la Lune ? On ne saurait comment jardiner. L’estivant à filet ne ramasserait pas les coques sur l’estran. On ne croiserait nul assassin de la pleine Lune. Ni de loup-garou, ni même de loup-phoque. Le sage ne saurait quoi montrer avec son doigt. Le chien ne saurait à quoi aboyer. Le politicien n'aurait rien à promettre. On ne saurait pas à quoi peut bien ressembler le poisson-lune. Les femmes seraient toujours d'humeur égale, et du coup on s'emmerderait ferme. Les éclipses de Soleil seraient nettement moins spectaculaires.

Et pourtant qu’est-ce que c’est, la Lune ? Un gros truc qui tourne autour de nous, sans jamais vouloir se poser. Ce qui est heureux, quand on y pense. Avec des trous, de cirques, des mers, mais pas d’air. Couvert de régolithe qui colle aux combinaisons spatiales. L’astronaute ne peut s’en débarrasser. De retour dans sa capsule, il éternue très fort, ce qui brouille l’écoute de Houston. Heureusement, il a déjà prononcé sa phrase historique.

Mais il y a peut-être de l’eau sur la Lune, venue des comètes. Ce qui est une bonne chose pour l’Homme, s’il veut s’y installer. L’après-midi, en plein soleil, il la mettra dans une théière : sans atmosphère, l’eau chauffe très vite. L’Homme s’assoit dans son fauteuil, face à la mer de la Tranquillité et tourne délicatement sa cuiller. A la nuit lunaire tombée, il met l’eau dans un moule à glaçons, et sort de la soute de sa fusée la bouteille de pastis que sa maman a disposé dans son cartable avant de partir.

Et, pensif, il se dit que la Nature est bien faite.

Comments

[Ondine]

J'appelle le clerc de lune

Pour lui faire entendre mes mots

Puisse-t-il m'apercevoir à des années lumières

Lui seul connaît le secret du big bang

Voudrait-il comprendre sans juger les eaux-vives de mon passé?

Voudrait-il tracer l'équinoxe

Qui me ferait amarrer ses terres?

Pour qu'il survole d'un vol libre

Et qu'il apaise mes folies lunatiques.

Et quand je m'éclipse

Qu'il jette le filet

Pour me sauver de moi même.



Bien à vous,

@strapondine