Juillet

Le mois de juillet est généralement une période propice aux vacances, pratique remontant à la plus haute Antiquité puisque Dieu lui-même, dit-on, aurait décidé de prendre un peu de repos à la fin de la première semaine d’existence de l’Univers. On voit par là que Madame Aubry, qui a voulu réduire le temps hebdomadaire de travail, n’a finalement rien inventé.

Ceux qui le savent ne l’ignorent pas : les vacances sont composées d’une succession de pluies fines, entrecoupées d’averses, accompagnées d’ondées de taille plus ou moins importante et de grains à tendance orageuse.

Il arrive parfois qu’il ne pleuve pas du tout, phénomène que l’Homme qualifie d’éclaircie, durant lequel il décide de partir en vacances. Il est heureux car il a beaucoup d’enfants, qu’il entasse sur la banquette arrière de sa Citroën Picasso gris métallisé. Le chien leur sert de repose-pieds. Les enfants et le chien servent principalement à coincer les valises afin qu’elles ne glissent pas d’un bord à l’autre du véhicule en cas de virage serré, participant ainsi à l'équilibre de l'ensemble. Ils sont assis sur les sacs de couchage, ce qui présente l'avantage de les réhausser et de leur permettre de mieux voir les bouchons. L'Homme exaspéré, peut aussi grâce à cette disposition leur administrer plus facilement quelques gifles sans quitter la route des yeux.

Le lendemain, les plages sont noires de monde. Les comptables intrépides chevauchent des bouées jaunes à tête de canard ; les ingénieurs jouent à la pétanque avec des boules en plastique rouge ; parfois vertes ; les prudents s'enduisent de crème solaire ; les enfants s'enterrent dans le sable ; on en perd parfois un ou deux, qu'on retrouve à l'automne ; quelques vendeurs de glace arpentent le sable ; il n'ont pas la monnaie. Les corps s'échauffent, bronzent, suscitant admiration et envie. Au bar, les rougeurs trahissent les nouveaux venus, l'indigène étant naturellement de peau plus mate. Toutefois, après le quatrième pastis, les couleurs se confondent rapprochant ainsi le citadin et l'autochtone qui l'accueille.

Le vacancier qui n'aime pas le sable et l'eau salée peut aussi s'adonner à toutes sortes d'activités : il descend au fond des trous pour admirer des bisons peints ou les slogans politiques des premiers hommes, déambule dans les transepts et sur les mâchicoulis, admire le travail du potier, achète un pull en laine pour les jours de frimas, taquine la sardine au large de la baie d'Audierne. Parfois, il pend au bout d'un fil, le long d'une falaise, accroché à des clous, et fortifie ses abdominaux. Il arpente des chemins qui longent des ruisseaux ou surplombent des précipices. Le soir venu, il trempe ses pieds dans l'eau en mangeant du saucisson de montagne. A la veillée, il regarde le résumé de l'étape du jour du Tour de France, où vient de se distinguer un nouveau coureur au nom compliqué, qui un jour peut-être, dans quelques années, sera en garde à vue. 

Puis, le vacancier repart en sens inverse. Avant de croiser l'aoûtien pâle qui va prendre sa place, il empile tout dans la Picasso, façon Tétris. Une valise est en trop, qui ne rentre plus dans le coffre. La roue de secours est sous les bagages, de même que le cric, ce qui permet aux enfants d'apprendre de nouvelles grossièretés, qu'ils répéteront une fois venue l'heure de retourner au collège.

Et quelques torgnoles plus tard, ils apercevront le périphérique tandis qu'agonisera juillet.

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[ALiCe__M]

Est-ce une "confidence extraordinaire" ou un portrait croquignolet ? chouette lecture en tout cas !