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Les confidences extraordinaires du Professeur Bang
12 janvier 2015

Une bouteille à la mer pour mon Cabu


Cher Cabu,

Juste un petit mot vite fait : je ne voudrais pas encombrer ta messagerie, car j’ai l’impression que depuis quelques jours tu dois recevoir beaucoup de courrier. Je ne sais d’ailleurs pas si, là où tu es, tu as du réseau. Et pour tout te dire, je partage ton opinion : il n’y a probablement rien, mais sait-on jamais ?

On ne se connaît pas. Je ne t’ai jamais vu autrement que derrière un écran ou sur des photos. Tu ignorais mon existence, et à mon avis ça ne va pas s’arranger.

Mais quand j’avais quinze ans, je lisais les aventures du grand Duduche, qui est devenu un copain ; comme lui, je n’ai jamais réussi à séduire la fille du proviseur (à vrai dire, j’ignore si le mien en avait une) ; plus tard, j’ai reconnu l’adjudant Kronenbourg. Si ça se trouve, on a été appelés dans le même régiment, toi et moi. J’ai connu aussi quelques beaufs à casquette Ricard, des chasseurs, des pollueurs, des profiteurs, des racistes. Certains ont d’ailleurs dû défiler, hier. Tous ces gens, finalement, on les avait comme relations communes. Ça crée des liens.

Tu étais plus vieux que moi, et pourtant moi j’étais trop vieux pour voir Récré A2. Je n’arrive pas à m’expliquer ce paradoxe temporel. Soit le temps est passé trop vite pour moi, soit tu es resté un jeune homme plus longtemps. Je crois connaître la réponse.

Tu as croqué mes présidents, celui que j’aimais, ceux que je respectais, celui qui est le mien en ce moment et celui que j’ai détesté, avec une égale tendre cruauté.

Et puis deux ignobles salauds ont décidé de ta condamnation à mort. En une rafale d’arme automatique ils m’ont tué mon Cabu, comme m’a dit quelqu’un, ce mercredi. Ils ont décidé que tu ne devais plus regarder le monde ni le dessiner ; plus jamais le montrer tel qu’il est, pointer malicieusement les torts et faiblesses des grands de ce monde, et des individus ; plus jamais se moquer des religions et des dieux, dont on ne sait même pas s’ils existent.

Tu ne le sauras jamais, mon Cabu (tu permets que je t’appelle mon Cabu ? merde, je n’aurai pas la réponse, mais tant pis, j’ose, c’est respectueux tu sais), tu ne le sauras jamais, donc, mais des millions de gens ont pensé à toi et à tes potes ces jours-ci. Et les deux crapules ont perdu. Parce qu’il y aura une relève et que l’encre des stylos ne sèche pas, contrairement à ce qu'on peut penser.

Et puis, juste un dernier mot pour te rassurer sur un point important. Tu te rappelles la grosse blonde que tu croquais en gretchen ? En restant fidèle à sa caricature elle t’a rendu immédiatement hommage alors même que tu n’étais pas encore froid. Oui, tu as deviné : elle a réclamé la peine de mort, cette conne. Comme eux, en quelque sorte. Une certaine unité de pensée, quoi. Mais ne t’inquiète pas, c’était juste pour qu’on parle d’elle. Elle devait trouver qu’on parlait trop de toi et tes potes. Tu vois, la vie continue.

Allez, je te laisse. Bonne route, mon Cabu.

 

 

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Commentaires
C
J'ai beaucoup de peine que l'on ai tué Cabu, plus que les autres victimes c'est étrange mais c'est ce que je ressent, une perte de moi même<br /> <br /> Je pense que c'est parce qu'il a bercé mon enfance avec Dorothée et qu'il à gardé un visage juvénile, le tout avec une très grande gentillesse, fan de jazz comme moi. J’espère qu'il n'a pas souffert de ses blessures le pauvre et qu'un jour, l'on se retrouvera peu être j’espère.<br /> <br /> <br /> <br /> Condoléances sa famille
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Z
voici EXACTEMENT la lettre que j'aurais aimé écrire. il y a exactement TOUT ce que j'aurais voulu dire.<br /> <br /> Mercredi après-midi, la première chose que j'ai pensée c'est : Oh putain ! ils ont tué Cabu.<br /> <br /> Encore grand merci pour ce billet !
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Vous trouverez ici force choses étonnantes, trucs inutiles et révélations stupéfiantes, qui émerveilleront les curieux, réconforteront les inquiets, et amuseront les primesautiers. Ce blog, qui ravira petits et grands, peut donc remplacer avantageusement toutes ces encyclopédies rébarbatives qu'on vous propose à longueur de clics.


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