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Les confidences extraordinaires du Professeur Bang
13 octobre 2013

Georges en octobre

Alors que les feuilles sans sève tombent sur le gazon, et que le vent qui s’élève gémit dans le vallon, l’envie vient à Georges de remonter le boulevard du temps qui passe.

Il a dix-huit ans tout juste ; quittant sa ville natale, il vient débarquer dans la capitale et se rend aussitôt au pont Mirabeau, pour un coup de chapeau à l’Apollinaire.

Il laisse Margot la blanche caille : Fanchon la cousette ; celle qui dans l’eau de la claire fontaine se baignait toute nue ; la belle à qui un jour de pluie il prêta son parapluie ; l'intraitable Pénélope ; celle qui l’hébergea un soir d’orage alors que son époux vendait des paratonnerres.

Il se souvient de celle qui couchait avec le roi de Prusse, et a qui on tondit le crâne rasibus ; mais aussi, moins tristement, du facteur, d’ordinaire si preste, qui pour voir Margot donner la gougoutte à son chat, ne distribuait plus les lettres, que personne au reste n'aurait lues.

A l’heure du berger, au mépris du danger, il prenait la passerelle pour rejoindre sa belle. Il regrette cette jolie fleur dans une peau de vache. Tout était bon chez elle, il n’y avait rien à jeter ; pour elle il avait perdu la tramontane ; mais il est des jours où Cupidon s’en fout.

Alors Georges déambule et s’arrête sur le pont des Arts pour voir le vent fripon soulever les jupons. Puis il entre dans ce vieux bistrot, perdu dans le vieux Paris, tenu par un gros dégueulasse, où on sert un petit bleu lourd de menaces.

Parfois il pense à Fernande, Vénus callipyge ; puis va tenir compagnie dans la chapelle ardente à celle à qui il donnera une fessée consolatrice.

Le soir, il rentre chez Jeanne. Ce n’est pas la femme de Bertrand, ni celle de Gontran, ni celle de Pamphile, ni même d'ailleurs la femme d’Hector ; mais son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu. Comme celle de l’Auvergnat, qui lui donna quatre bouts de bois quand dans sa vie il faisait froid.

Un soir il était allé voir à l’hospice l’ancêtre dont les jours étaient comptés, avec les guitares, du saumur, de l’entre-deux-mers, du beaujolais, du marsala, et les belles du quartier. Puis, jeté à la rue par les carabins, il a réfléchi à sa propre fin. Pas de musique d’orgue, oh non ; un petit corbillard de nos grands-pères ; une marguerite qui tombe du bréviaire de l’abbé juste pour faire jaser ; pas de messe, qui sans le latin nous emmerde. Il hésite entre le cimetière du Montparnasse, à quatre pas de sa maison, ou la plage de Sète, mais il faut réserver ; ou sinon il fera la tombe buissonnière.

Nous sommes en octobre 1981. La peine de mort vient d’être abrogée. Arrivé à Saint-Gély du Fesc, près de Montpellier, pour se reposer dans son pays natal, Georges s’en réjouit. Lui qui chantait à bas la calotte à s’en faire péter la glotte, et sentait fort le fagot, il repense, ému, au curé de chez lui qui criait mort à toute peine de mort. Mais pour sa part s’il ne le sait pas, sa maladie le ronge.

Et dans quelques jours, tel oncle Archibald, il emboîtera le pas de la Mort, qui finalement ne lui semblait pas si féroce, pour retrouver le vieux Léon et trinquer avec lui et ce gras du bide de Moustache devant les vignes du Seigneur.

 

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Commentaires
P
Très beau texte bien inspiré par le grand Georges B. Bravo.
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@
Des biens belles références pour un bien bel et émouvant hommage. Merci Prof
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@
Bel hommage.
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Vous trouverez ici force choses étonnantes, trucs inutiles et révélations stupéfiantes, qui émerveilleront les curieux, réconforteront les inquiets, et amuseront les primesautiers. Ce blog, qui ravira petits et grands, peut donc remplacer avantageusement toutes ces encyclopédies rébarbatives qu'on vous propose à longueur de clics.


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