Brèves considérations sur la fulgurante quoique incomplète évolution des techniques

Le progrès fait rage. En ce début de millénaire, chaque jour nous apporte son lot d’inventions. La domotique simplifie la vie de la ménagère qui peut ainsi mieux servir son époux ; l’écolier radieux dispose du ouèbe pour faire ses devoirs à la veillée ; l’ouvrier fourbu sortant de l’atelier peut écouter sur son iPhone le Magnificat des Vespro della Beata Vergine, de Monteverdi, dans le bus 47 ; le livreur de pizzas se repère dans la cité avec son GPS avant de se le faire voler ; le trader peut gagner en dix minutes mille smics sans bouger les oreilles.

Dans le domaine des transports, tout est désormais inventé : les véhicules se garent seuls, et peuvent donc érafler ceux qui sont en stationnement sans l’aide de votre belle-soeur ; ils sont équipés de régulateurs de vitesse qui, dûment débranchés, permettent ainsi aux chauffeurs de continuer d’être verbalisés ; les véhicules électriques surprennent désormais plus facilement le piéton, et peuvent l’aplatir sans bruit, respectant ainsi la quiétude des lieux.

La communication est le domaine où les progrès sont les plus spectaculaires : l’homme peut désormais dialoguer en temps réel avec son semblable qui vit à l’autre bout de la planète, pour échanger les mêmes banalités qu’avec son voisin. Il peut critiquer de loin les dictateurs, brocarder les artistes ringards, donner son avis sur tout, s’inventer des vies brillantes et compliquées. Il a accès à des informations capitales en provenance de pays dont il ignorait jusqu’ici l’existence.

Pour ne pas enfumer son prochain, l’homme dispose désormais de la cigarette électronique, qui lui permet d’avoir l’air con même dans les lieux publics.

Pourtant, des progrès restent à faire, et notamment pour faciliter la vie quotidienne. Ainsi, l’homme reste dans l’attente de qui inventera le marteau de girofle destiné à enfoncer les clous du même nom dans les oignons ou le détorsadeur de bigorneaux. Mais surtout, et cela devient désormais une priorité : l’instrument destiné à récupérer les coquillettes sous les grilles de la cuisinière à gaz lorsqu’on verse la moitié du paquet à côté de la casserole.