Allez graisse

Les jours qui viennent vont contredire le regretté Bernard Blier, qui prétendait ne pas être venu pour beurrer les sandwiches. Durant les quelques soirées de veillée qui nous séparent de la Nativité et des pochtronnades subséquentes, les canards, dindes, chapons, et autres volatiles seraient bien inspirés de se planquer. L'heure est à l'excitation pré-festive et les boules rutilent sous les épis des conifères. Les enfants deviennent insupportables et on aimerait bien les bourrer de marrons, eux aussi.

Dans le Gers, pendant ce temps, la vie continue, impassible, comme si de rien n'était.

Une découverte scientifique majeure démontre en effet que l'homme souffre d'infiniment moins de maladies cardio-vasculaires et dispose d'une meilleure espérance de vie s'il consomme de la graisse d'oie.

Or, sachez-le, la graisse d'oie est l'aliment de base du Gersois. Il s'en fait volontiers fondre un bol pour son breakfast ; l'Ami Ricoré en apporte avec son pain et ses croissants ; elle accompagne la cuisson de ses rôts, assaisonne ses légumes ; parfume sa salade ; la mère de famille en glisse tendrement une cuillerée dans le biberon de son bambin. On en met pour remplacer l'huile de vidange dans les tracteurs et elle supplante aisément tout produit lubrifiant dans les circonstances de la vie qui pourraient le nécessiter. Face à elle, le beurre sombre dans le ridicule. Honteuse, la margarine supporte le regard méprisant du Gersois.

A l'heure où le consommateur doit faire face à la propagande sournoise du lobby antigras qui l'oblige à consommer du beurre sans beurre ou du lard délardéisé, voici qu'on redécouvre que l'homme parvenu à l'âge moyen peut éviter l'infarctus s'il sacrifie aux coutumes des indigènes de Condom, de Fleurance ou de Mirande. 

Mes chers compatriotes, suivons cet exemple ; levons désormais chaque matin à notre santé notre grand bol de graisse d'oie bien chaude et nous vivrons longtemps et heureux, gambadant le cheveu au vent parmi les vignes avant de siroter un verre de floc à l'ombre des arcades de la bastide, tandis que les joueurs de pétanque, suant sous le béret, échangeront quolibets et railleries à la vue des pâlichons et maigrelets Parisiens venus contempler le pays où le bonheur est dans le pré, en attendant l'heure de leur infarctus.

Comments

[Marx_harpo]

J'ai peur d'être obsédé, j'ai cru apercevoir furtivement des images subliminales où le lubrifiant était utilisé dans des situations que mon conscient m'interdit d'imager...

[k_narre]

Cette publicité pro Oie qui omet sciemment de dire que la graisse qui sauve des vies par millier est d'origine canardesque est inadmissible monsieur !